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mort subite, dont les causes ne semblaient pas nettement connues. Les histoires les plus singulières, les plus gaillardes, couraient, quelques-unes même absurdes et tragiques. À soixante-huit ans, Gaude, célibataire impénitent, restait très vert, disait-on, jouait encore volontiers quand des clientes jeunes, des opérées reconnaissantes voulaient bien rire. Et Mathieu s’était souvenu d’un rêve atroce que Sérafine avait fait un jour devant lui, dans sa rage d’avoir perdu, avec son sexe, la volupté, sous le fer de l’opérateur : « Ah ! si nous allions un soir toutes chez lui, toutes celles qu’il a châtrées et si nous le châtrions à notre tour ! » Elles étaient des milliers et des milliers, elle les voyait toutes avec elle, derrière elle, une bande une armée, un peuple, une ruée de cent mille infécondes dont auraient craqué les murs du cabinet de consultation, dans la sauvagerie de leur vengeance. Ce qui émotionnait, Mathieu c’était qu’un des contes extraordinaires, circulant au sujet de la mort soudaine de Gaude, voulait qu’on l’eût trouvé, sur le divan dévêtu, mutilé, sanglant. Et, lorsque Sérafine vit qu’il la regardait comme en un cauchemar, gagné par le frisson de cette veillée de deuil, elle reprit, avec son petit rictus de détraquée :

« Il est mort, nous y étions toutes. »

C’était fou, invraisemblable, impossible, mais, pourtant, était-ce vrai, était-ce faux ? Et le grand froid terrifiant passa, ce froid du mystère, de ce qu’on ignore, de ce qu’on ne saura jamais.

Boutan s’était penché doucement à l’oreille de Mathieu.

« Avant huit jours, elle sera folle à lier, enfermée dans un cabanon. »

Huit jours après, la baronne de Lowicz avait la camisole de force aux épaules. Chez elle, la castration retentissait sur le cerveau, dans le ravage destructeur du désir qu’elle ne contentait plus. Elle fut isolée, on ne pouvait pas