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un bruit de pas lointains qui se rapprochait, se précipitait. Et ce fut Mathieu qui entra.

Elle recula, livide, comme devant un spectre. Lui, grand Dieu ! pourquoi lui ? Comment se trouvait-il là ? De tous les messagers de malheur, il était celui qu’elle attendait le moins. Le fils mort serait venu, elle n’aurait pas frémi davantage qu’à cette apparition du père.

Elle ne parla pas, il dit simplement :

« Ils ont fait le saut, ils sont morts tous les deux, morts comme Blaise. »

Alors, elle ne dit toujours rien, elle le regarda. Un instant, ils restèrent les yeux dans les yeux. Et, dans son regard, il sut tout, le meurtre recommença, se déroula, s’accomplit. Là-bas, les corps, les uns sur les autres, s’écrasaient.

« Malheureuse, à quel monstrueux égarement êtes-vous tombée et que de sang sur vous ! »

D’un effort, elle trouva le suprême orgueil de se redresser, de se grandir, voulant encore vaincre, crier qu’elle était bien l’assassine qu’elle avait eu et qu’elle aurait raison toujours. Mais, déjà, il l’accablait d’une révélation dernière.

« Vous ne savez donc pas que ce misérable Alexandre a été un des assassins de Mme Angelin, votre amie, la pauvre femme volée, étranglée, un soir d’hiver… Je vous l’ai caché par une pitié inquiète. Et il serait au bagne, si j’avais parlé ! Et, si je parlais aujourd’hui ; vous iriez le rejoindre ! »

Ce fut le coup de hache. Elle ne parla pas, elle tomba sur le tapis, tout d’une pièce, comme un arbre qu’on vient d’abattre. Cette fois, la défaite l’achevait, le destin qu’elle attendait, se retournait contre elle et la jetait bas. Une mère de moins, que son amour mis sur un seul enfant avait pervertie, une mère dupée, volée, enragée, qui en était arrivée au meurtre, dans sa folie de maternité