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découvrir… Je vous le dis, c’est le destin qui s’éveille et qui frappe ! »

En effet, l’histoire était folle. Sérafine, depuis des années achevait de se détraquer, dans l’exaspération de la flétrissure, de la sénilité précoce où l’avait jetée cette opération imbécile, dont elle attendait le miracle d’un renouveau de jouissances, impunément libres. En quête toujours de la sensation perdue, elle s’était remise à rôder, cherchant, descendant aux pires bas-fonds essayant des monstruosités. Il courait sur elle des bruits d’aventures extraordinaires. C’était ainsi que, par une personne charitable, elle avait eu la singulière idée de se faire admettre comme dame patronnesse dans une œuvre qui s’occupait de secourir, de moraliser les jeunes détenus, à leur sortie de prison. Elle en avait même recueilli chez elle, au fond de son mystérieux rez-de-chaussée de la rue de Marignan, les hébergeant, les couchant, vivant avec eux dans une promiscuité de démente, portes et fenêtres closes. Et il était advenu qu’un soir un jeune ami lui avait amené Alexandre, grand gaillard de trente-deux ans déjà, lâché de la veille, à la suite de six années de réclusion, faites dans une maison centrale. Pendant un mois, il avait régné ; puis, un matin de confiance, comme il lui contait son histoire vraie, parlait de Rougemont, nommait sa mère Norine, disait son vain effort pour retrouver son père, un homme immensément riche, elle avait compris tout d’un coup, elle s’était expliqué la sensation de déjà-vu qu’il lui produisait, la ressemblance avec Beauchêne, qui, maintenant l’éclairait d’une certitude fulgurante ; et cette rencontre de hasard aux bras d’un neveu de la main gauche, cet accouplement obscur où passait la fatalité tragique, l’avait amusée un jour, en la secouant enfin, en la tirant un peu de la banalité courante. Le pauvre garçon ! elle ne pouvait le garder, elle ne lui avait même rien dit de sa surprenante