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— Mais oui, mon chéri. Tu sais bien que les papas et les mamans ont leurs affaires.

— Alors, maman, nous allons dîner seuls ?

Elle ne répondit pas, se tourna vers la femme de chambre, qui attendait les ordres.

— Vous entendez, Céleste, vous ne les quitterez pas une minute, et surtout qu’ils n’aillent pas à la cuisine. Jamais je ne rentre, sans les trouvera la cuisine. C’est exaspérant… Servez-les dès sept heures, couchez-les à neuf. Et qu’ils dorment !

La grande fille, à tête de cheval, écoutait d’un air de respectueuse obéissance, tandis que son mince sourire disait la Normande débarquée à Paris depuis cinq ans déjà, bronzée au service, sachant ce qu’on fait des enfants, quand les maîtres ne sont pas là.

— Madame, dit-elle simplement, mademoiselle Lucie est souffrante. Elle a encore vomi.

— Comment ! encore vomi ! s’écria le père furieux. Je n’entends parler que de ça, ils vomissent donc toujours ? Et c’est toujours au moment où nous allons sortir… Ma chère amie, c’est désagréable, tu devrais bien veiller à ce que nos enfants n’aient pas de la sorte un estomac de papier mâché.

La mère eut un geste de colère, comme pour dire qu’elle n’y pouvait rien. En effet, les petits souffraient souvent de l’estomac. Ils avaient eu toutes les maladies de l’enfance, presque constamment fiévreux et enrhumés. Et ils gardaient cet air muet, un peu inquiet, des enfants abandonnés aux soins des servantes.

— C’est vrai, que tu as eu bobo, ma petite Lucie ? demanda Valentine, baissée devant la fillette. Tu n’as plus bobo, n’est-ce pas ? Non, non, ce n’est rien, rien du tout… Embrasse-moi, mon trésor, dis bonsoir bien gentiment à papa, pour qu’il n’ait pas de la peine, en s’en allant.