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fille tant pleurée. Elle venait d’avoir neuf ans, et c’était, à chaque rencontre, une émotion, une adoration, d’autant plus touchante, qu’il y avait là une simple et divine illusion de ses regrets, les deux enfants ne se ressemblant nullement, l’une très brune, l’autre presque blonde. Malgré sa terrible avarice, il comblait Hortense de poupées, de bonbons, à toutes les occasions possibles. Et cette tendresse en vint à l’absorber tellement, que Constance en prit de l’ombrage. Elle le lui fit entendre : qui n’était pas tout entier avec elle était contre elle. Il eut l’air de se soumettre, guetta l’enfant pour l’embrasser en cachette, ne l’en aima que davantage, comme d’une passion contrariée. Et, dans ses rapports presque quotidiens avec Constance, dans sa fidélité apparente à l’ancienne maîtresse de l’usine, il ne céda plus qu’à sa terreur de pauvre être, sous la main violente dont elle l’avait courbé toujours. C’était, entre eux, un pacte ancien, la monstrueuse chose qu’ils étaient les seuls à savoir, cette complicité dont ils ne parlaient jamais mais qui les scellait l’un à l’autre. Lui faible et tendre semblait en être resté anéanti, domestiqué ainsi qu’une bête peureuse. Après cet affreux jour, d’ailleurs, il avait appris les autres choses, il n’ignorait plus rien des secrets de la maison. Il y avait tant d’années qu’il vivait là, il s’était tant promené de son petit pas discret de maniaque, entendant, voyant, surprenant tout ! Et ce fou qui savait, qui se taisait, lâché au milieu du drame obscur, en arrivait cependant à une sourde révolte, depuis qu’il devait se cacher pour embrasser sa petite amie Hortense, le cœur grondant, près de se fâcher enfin, si l’on touchait à sa passion.

Brusquement, un soir, Constance le retint à dîner. Il se douta que l’heure de la confidence promise était venue, à la voir frémissante, redressée dans sa petite taille, en guerrière désormais. Certaine de la victoire. À table