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se réunir une fois de plus, pour fêter glorieusement l’arrière grand-père et l’arrière-grand-mère.

« Allons ! dit gaiement Marianne, près du berceau, si des petits s’envolent, il en naît toujours, et le nid ne sera donc jamais vide !

— Jamais, jamais ! répéta Mathieu attendri, fier de cette continuelle victoire sur la solitude et sur la mort. Nous ne resterons jamais seuls ! »

Pourtant, il fut encore un départ qui leur coûta bien des larmes. Nicolas l’avant-dernier des fils, allait avoir vingt ans, sans s’être décidé sur la voie qu’il choisirait, à ce carrefour de l’existence. C’était un garçon brun, solide, avec une face ouverte et riante. Enfant, il avait adoré les récits de voyages, se plaisant aux lointaines aventures, d’un courage, d’une endurance de gamin, qui rentrait ravi d’interminables promenades, les pieds couverts d’ampoules, sans se plaindre. Et il avait, avec cela, un esprit d’ordre et de conservation extraordinaire, rangeant, classant ses menus biens dans son tiroir, dédaigneux du caprice de ses sœurs. Plus tard, en grandissant, il était devenu songeur, comme s’il eût cherché autour de lui, vainement, l’emploi de ce double besoin de découvrir quelque terre nouvelle et d’y organiser fortement sa vie. Un des derniers-nés d’une famille nombreuse, il ne trouvait plus d’espace assez libre, pour y faire tenir l’ampleur, la force de son vouloir. Ses frères, ses sœurs, avant que son tour fût venu, avaient déjà pris toutes les terres environnantes, à ce point qu’il étouffait, menacé de famine, en quête du large champ rêvé qu’il cultiverait, où il moissonnerait son pain. Plus de place, plus de subsistances, et il ne sut d’abord où aller, il tâtonna, hésita pendant des mois. Son rire clair continuait à égayer la maison, il ne fatiguait ni son père ni sa mère du soin de sa destinée, car il se savait déjà de taille à la fixer lui-même.