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de Paris, on soupçonnait même le libéral Ambroise d’être intervenu fraternellement, en les aidant de sa bourse. Et, si Lepailleur laissa faire la noce d’un air rogue et inquiet d’homme volé, cédant à la peur égoïste de se retrouver un jour solitaire, dans la maison assombrie, Mathieu et Marianne furent heureux d’un arrangement qui mettait fin à une situation équivoque, dont ils avaient beaucoup souffert, blessés au cœur de la révolte d’un de leurs enfants.

Or il arriva que, le mariage fait, Grégoire, installé au Moulin, selon le désir de sa femme Thérèse, s’entendit avec son beau-père beaucoup mieux qu’on ne pouvait s’y attendre. Cela vint surtout à la suite d’une scène où Lepailleur voulut le forcer à jurer que lui mort, jamais il ne céderait aux gens de la ferme, ses frères où ses sœurs, les landes de l’enclave, qu’il avait laissées incultes jusque-là, par un entêtement de paysan battu. Grégoire ne jura pas, mais il déclara gaiement qu’il n’était pas assez sot pour dépouiller sa femme du meilleur de son héritage, car il comptait les cultiver, ces landes, en faire avant deux ou trois ans les terres les plus fécondes du pays. Ce qui était à lui n’était point aux autres, on verrait bien s’il ne défendrait pas son petit coin d’empire. Et les choses se passèrent de même pour le moulin, dont il se contenta d’abord de réparer le mécanisme ancien, sans vouloir bousculer d’un coup la routine du meunier, remettant à plus tard la machine à vapeur, la voie de raccordement avec la station de Janville, toutes ces idées de Mathieu, qui, dès lors fermentèrent dans son jeune esprit audacieux. Et il y eut de la sorte un nouveau Grégoire, un turbulent assagi, ne gardant de sa jeunesse folle que le risque-tout des entreprises heureuses, très secondé d’ailleurs par l’énergique et blonde Thérèse, ravis l’un et l’autre de s’adorer dans le vieux moulin romantique, enguirlandé de lierres, en attendant de le flanquer résolument