Page:Zola - Fécondité.djvu/662

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’était remis debout, soulevé d’une exaspération folle, à le revoir là, dans sa maison.

« Ah ! c’est vrai, vous êtes venu… Qu’est-ce que vous me disiez donc ? Qu’il fallait les marier, ces saletés d’enfants… Oui, vous voyez comme je suis en train d’aller à la noce ! Mon garçon est mort, vous choisissez bien votre jour… Allez-vous-en, allez-vous-en, si vous ne voulez pas que je fasse un malheur ! »

Il levait les poings, la présence de Mathieu l’affolait, dans la défaite de sa vie entière. C’était terrible, cela, que ce bourgeois qui venait de gagner une fortune à se refaire paysan se trouvât justement chez lui, lorsqu’il apprenait, en coup de foudre, la mort de son Antonin, dont il avait rêvé de faire un monsieur, en le dégoûtant de la terre, en l’envoyant à Paris crever de paresse et de vice. Il enrageait d’avoir eu tort, de voir que cette terre diffamée par lui, traitée en vieille maîtresse stérile, était si tendre, si jeune et si féconde, pour l’homme qui savait l’aimer. Et il n’y avait plus que des ruines à son entour, dans son imbécile calcul de limiter la famille, son fils mort honteusement, sa fille partie avec un fils de la ferme triomphante, lui tout seul à cette heure, pleurant, hurlant au milieu de son moulin désert, qu’il avait aussi méprisé et qui croulait de vieillesse.

« Vous entendez bien, Thérèse peut se traîner à mes pieds, jamais je ne la donnerai à votre voleur de fils !… Pour qu’on se moque de moi dans le pays, pour que vous me mangiez, comme vous avez mangé tous les autres ! »

Sans doute, confusément, cela venait de lui apparaître, en une soudaine menace. Antonin mort, c’était donc Grégoire qui aurait le moulin, s’il épousait Thérèse ? Et il aurait les landes aussi, l’enclave gardée avec une joie sauvage, si passionnément désirée par la ferme, et qu’il lui céderait sans doute, dès qu’il serait le maître. Cette