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reçoivent pas d’habitude. Il dut se décider pourtant. La dépêche ne contenait que ces trois mots : « Ton fils mort. » Dans cette brutalité brève, ce coup de massue assené sans attendre, on sentait la rage froide de la mère, le besoin d’assommer tout de suite l’homme, là-bas, le père, qu’elle accusait de la mort de son fils, comme elle l’avait accusé de la fuite de sa fille. Il le sentit bien, il chancela sous le choc, hébété devant ce petit papier bleu, le relisant, finissant par comprendre. Et ses mains se mirent à trembler, il jura d’abord abominablement.

« Tonnerre de Dieu ! qu’est-ce qu’il nous arrive encore là ? Voilà maintenant le garçon mort, tout fout le camp ! »

Puis, son cœur se gonfla, des larmes parurent, il était tombé sur une chaise, les jambes cassées, et il relisait obstinément la dépêche : « Ton fils mort… Ton fils mort… », cherchant le reste, les choses qui ne s’y trouvaient pas. Peut-être bien qu’il était mort, avant l’arrivée de la mère. Ou peut-être bien qu’elle venait d’arriver, quand il était mort. Il commentait cela en bégayant il redisait vingt fois qu’elle avait pris le train de onze heures dix, qu’elle devait être aux Batignolles vers midi et demi ; et, comme elle avait déposé la dépêche à une heure vingt minutes, c’était donc plutôt qu’elle l’avait trouvé mort.

« Nom de Dieu de nom de Dieu ! une dépêche, ça ne dit rien et ça vous assassine. Elle aurait bien pu m’envoyer quelqu’un… Va falloir que j’y aille. Ah ! c’est complet, c’est trop de malheur pour un homme ! »

Lepailleur avait jeté ce cri dans une telle colère de désespoir que Mathieu, pris de pitié, osa intervenir. Saisi par la brusque secousse de ce drame, il avait attendu en silence, et maintenant il offrait ses services, parlait de l’accompagner à Paris. Mais il dut reculer, le meunier