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déclara qu’un homme la mènerait où il voudrait, avec de gentilles paroles. Et il y eut là un bout de conversation, d’une franchise, d’une licence, qui stupéfia Mathieu, fort embarrassé de sa personne, très désireux de s’en aller, mais s’obstinant à attendre, tant qu’il n’aurait pas obtenu de son propriétaire la réparation qu’il désirait.

— Oh ! en paroles, je permets tous les joujoux, conclut le mari. Mais ne t’avise pas de coucher avec un autre, je te tuerais comme un petit lapin.

Il était en effet très jaloux. Consolée, elle fit alors sa paix avec lui, en ajoutant, de sa voix de bonne petite femme :

— Patiente un peu, j’ai dit à Céleste de nous amener les enfants, pour que nous les embrassions avant de partir.

Mathieu, voulant profiter de cette nouvelle attente, essaya de revenir à sa requête. Mais, déjà, Valentine recommençait, parlait de choisir le restaurant le plus louche pour y dîner, demandait si c’étaient des horreurs qu’on avait sifflées, la veille, à la répétition générale de la pièce qu’ils allaient voir. Et elle apparaissait, entre les deux hommes, comme une élève docile, exagérant encore leurs opinions extrêmes, d’un pessimisme outré, d’une intransigeance exaspérée en littérature, en art, dont ils riaient eux-mêmes. Wagner était très surfait, elle réclamait la musique invertébrée, la libre harmonie du vent qui passe. Quant à la morale, c’était à frémir : Elle avait revécu les amours raisonnants des révoltées d’Ibsen, elle en était à la femme de pure beauté intangible, elle trouvait Anne-Marie, la dernière création de Santerre, beaucoup trop matérielle et dégradée, parce que l’auteur disait, dans une page fâcheuse, que les baisers de Norbert laissaient, à son front, leur empreinte. Il contesta le passage, elle se précipita sur le volume, chercha la phrase.