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Valentine entra, rieuse, avec des allures garçonnières, qu’elle avait eu de la peine à se donner.

— Ah ! vous savez, vous autres, il ne faut pas m’en vouloir ! Cette Céleste n’en finit pas.

À vingt-cinq ans, elle était maigre, petite, l’air d’une fillette émancipée. Blonde, avec un visage fin, des yeux bleus rieurs, un nez léger d’insouciance, elle n’était pas jolie, mais drôle et charmante tout de même. Promenée par son mari dans les mauvais lieux, ayant fini par se familiariser avec les écrivains, avec les artistes qui fréquentaient la maison, elle ne redevenait la dernière des Vaugelade que sous l’excès de l’outrage, tout d’un coup glacée et méprisante.

— Ah ! c’est vous, monsieur Froment, dit-elle, très aimable, en s’avançant vers Mathieu, pour lui serrer cavalièrement la main. La santé de madame Froment est bonne, les enfants sont toujours gaillards et superbes ?

Mais Séguin, qui examinait sa robe, une robe de soie blanche, garnie de dentelles bises, eut un de ces accès de brutalité dont la rudesse éclatait comme un coup de feu, sous l’affectation de sa haute politesse.

— Et c’est pour mettre ce chiffon, que tu nous fais attendre ! Jamais tu n’as été si mal fagotée.

Elle qui arrivait avec la conviction d’être ravissante ! Elle se raidit pour ne pas pleurer, tandis que sa face de fillette, assombrie, prenait une expression de révolte hautaine et vindicative. Lentement, elle tourna les yeux vers l’ami qui était là, qui la regardait d’un air d’extase, outrant son attitude d’esclave, dans la caresse soumise dont il l’enveloppait.

— Vous êtes délicieuse, murmura-t-il, et cette robe est une vraie merveille.

Cela fit rire Séguin, qui plaisanta Santerre sur sa platitude devant les femmes. Valentine, adoucie par le compliment, retrouvant sa joie d’oiseau libre, s’en mêla,