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se jetèrent sur Mme Angelin, d’un tel choc de loups dévorants, qu’elle fut renversée. Pourtant, Alfred, lâche, la laissa aux deux autres, courut au trou de la palissade, avec Toinette, faire le guet. Alexandre, qui tenait prêt son mouchoir, roulé en tampon, l’avait mis dans la bouche de la dame, pour étouffer ses cris. Leur intention n’était que de l’étourdir, puis de se sauver avec le petit sac. Mais le mouchoir dut glisser, elle cria, un grand cri terrible ; et, à ce moment, les deux autres, là-bas, au trou, jetèrent le sifflement d’alarme, sans doute des passants qui s’approchaient. Il fallait en finir. Alexandre lui noua le mouchoir au cou, tandis que Richard lui renfonçait du poing son cri dans la gorge. La folie rouge souffla, tous deux se mirent à tordre le mouchoir, à serrer, à traîner la dame dans la boue du champ, jusqu’à ce qu’elle ne bougeât plus. Puis, comme le sifflement recommençait, ils prirent le sac, laissèrent là le corps avec le mouchoir au cou, galopèrent, galopèrent tous les quatre, jusqu’au pont de Grenelle d’où ils lancèrent le sac à la Seine, après avoir fourré dans leurs poches les sous, les pièces blanches et les pièces jaunes.

Lorsque Mathieu lut dans les journaux les détails du crime, il fut saisi d’épouvante, il accourut rue de la Fédération. L’identité de Mme Angelin vite établie, le meurtre commis dans ce terrain vague, à cent mètres de la maison où habitaient les deux sœurs, le bouleversaient d’un terrible pressentiment. Et, tout de suite, il sentit se réaliser ses craintes, lorsqu’il dut frapper trois fois et que ce fut Cécile, toute tremblante, qui débarricada la porte, pour l’introduire dès qu’elle l’eut reconnu. Norine était au lit, malade, d’une pâleur de linge. Elle se mit à sangloter, elle lui conta l’histoire avec des frissons, la visite de Mme Angelin, la brusque entrée d’Alexandre, qui avait vu le sac, qui avait entendu la