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accueilli de la sorte, était quelque ami, quelque parent. Et elle continua, sans cacher rien : « Voici vingt francs, je ne puis faire davantage… Seulement, je vous promets que, le mois prochain, je tâcherai de doubler la somme. C’est le mois du terme, et j’ai déjà sollicité partout, on donnera le plus qu’on pourra… Hélas ! aurai-je assez, j’ai tant de demandes ! »

Son petit sac était resté ouvert sur ses genoux ; et, de ses yeux luisants, Alexandre le fouillait, y soupesait le trésor des pauvres, l’or et l’argent, les gros sous même qui gonflaient le cuir. Toujours silencieux, il la regarda le fermer, en passer à son poignet la chaînette, puis se lever de sa chaise.

« Alors, au revoir, au mois prochain, n’est-ce pas ? reprit-elle. Je viendrai le 5, sûrement. Je commencerai sans doute ma tournée par vous. Mais il est possible que ce soit assez tard dans la journée car c’est justement la fête de mon pauvre mari… Allons, bon courage, travaillez bien. »

Norine et Cécile s’étaient levées également, pour l’accompagner jusqu’à la porte. Et il y eut là encore des remerciements infinis, et l’enfant baisa de nouveau la dame sur les deux joues, de tout son petit cœur. Les deux sœurs, épouvantées par l’apparition d’Alexandre, respirèrent. L’aventure finit même assez bien, car il se montra coulant, il se contenta, lorsque Cécile fut allée faire de la monnaie, d’une pièce de cent sous sur les quatre qu’elle remonta. Il ne traîna pas à les torturer comme d’habitude, il emporta la pièce tout de suite, en sifflant un air de chasse.

Le mois suivant, le 5, un samedi, fut un des jours les plus noyés de pluie, les plus sombres du triste hiver. Dès trois heures la nuit se fit rapide, presque complète. Il y avait, dans ce bout désert de la rue de la Fédération, un vaste terrain vague, un terrain à bâtir, que,