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la loi, toute une portée de jeunes fauves battant la forêt ancestrale, la bête humaine retournée à l’état barbare, abandonnée dès la naissance, en proie aux instincts antiques de pillage et de carnage. Et, comme les herbes mauvaises, ils poussaient dru, enhardis davantage chaque jour, exigeant une rançon croissante des imbéciles qui travaillaient, élargissant leurs vols, en marche pour le meurtre.

Au hasard d’une minute de luxure, la semence humaine avait jailli, l’enfant avait poussé sans qu’on y songeât, né au petit bonheur, lâché ensuite sur le trottoir sans surveillance, sans soutien. Il s’y pourrissait, il y devenait un terrible ferment de décomposition sociale. Tous ces petits mis au ruisseau, ainsi qu’on porte à l’égout les petits chats trop nombreux, tous ces abandonnés, ces errants du pavé qui mendiaient, qui se prostituaient, qui volaient, faisaient le fumier où germait le crime. L’enfance misérable entretenait ainsi un foyer d’effrayante infection, dans l’ombre tragique des bas-fonds parisiens. Cette semence si imprudemment jetée à la rue, devenait une moisson de brigandage, l’affreuse moisson du mal dont craquait la société tout entière.

Lorsque Norine se douta des exploits de la bande, par les fanfaronnades d’Alexandre et d’Alfred qui se plaisaient à l’étonner, elle fut prise d’une telle peur, qu’elle fit poser un verrou de sûreté à sa porte. Et, dès la nuit noire, elle n’ouvrait plus sans qu’on se nommât. Depuis deux ans bientôt, son supplice durait : l’attente frissonnante où elle était toujours d’une visite possible d’Alexandre. Il avait vingt ans, il parlait en maître, la menaçait d’atroces vengeances, quand il devait s’en aller les mains vides. Un jour, sans que Cécile pût s’y opposer, il se jeta sur l’armoire, emporta un paquet de linge, des mouchoirs, des serviettes, des draps, pour les vendre. Et les deux sœurs n’osèrent le poursuivre dans