Page:Zola - Fécondité.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anciennes capitales du monde, il meurt par excès de culture, d’intelligence et de civilisation : ce n’en est pas moins la mort, le reflux qui portera l’éclat et la puissance à quelque peuple nouveau… Votre équilibre est mensonger, rien ne peut rester stationnaire, ce qui ne croît plus décroît et disparaît. Et si Paris veut mourir, il mourra, et la patrie mourra avec lui.

— Oh ! mon Dieu ! déclara Santerre en reprenant sa pose de pessimiste élégant, s’il veut mourir, je ne m’oppose pas à ce qu’il meure. Pour mon compte, je suis résolu fermement à l’y aider.

— Pas d’enfants, c’est de toute évidence l’honnêteté et la sagesse, conclut Séguin, qui désirait se faire pardonner les deux siens.

Mais, comme s’il ne les avait pas entendus, Mathieu continua :

— La loi de Spencer, je la connais, je la crois même juste en théorie. Il est certain que la civilisation est un frein à la fécondité, de sorte qu’on peut imaginer une série d’évolutions sociales déterminant des reculs ou des excès dans la population, pour aboutir à un équilibre final, par l’effet même de la culture victorieuse, lorsque le monde sera entièrement peuplé et civilisé.

Mais qui peut prévoir la route à parcourir, au travers de quels désastres, au milieu de quelles souffrances ? Des nations disparaîtront encore, d’autres les remplaceront, et combien de mille ans faudra-t-il, pour arriver à la pondération dernière, faite de la vérité, de la justice et de la paix enfin conquises ?… La raison tremble et hésite, le cœur se serre d’angoisse.

Un grand silence tomba, pendant qu’il restait troublé, ébranlé dans sa foi aux puissances bonnes de la vie, ne sachant plus qui avait raison, de lui, si simple, ou de ces deux hommes, étendus languissamment sur leurs sièges, qui compliquaient et empoisonnaient leur néant.