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faisaient ménage ensemble, sans qu’on sût au juste où ils couchaient, peut-être du côté des Moulineaux, où il y avait des fours à plâtre.

Un jour, il arriva donc qu’Alexandre, montant chez Norine y fit la rencontre d’Alfred, qui parfois venait là pour tâcher de tirer une pièce de dix sous au père Moineaud. Les deux jeunes bandits s’en allèrent ensemble, causèrent, se retrouvèrent. De là naquit toute une association. Alexandre vivait avec Richard, Alfred leur amena Toinette. Ils furent quatre, et il arriva que la maigre Toinette se passionna pour Richard, un colosse, auquel Alfred voulut bien la céder, en bon camarade. Dès lors, chaque soir, elle fut giflée par son nouveau maître, quand elle ne lui rapporta pas cent sous. Mais elle trouvait ça très bon, elle qui, pour une chiquenaude, aurait labouré la face des gens, comme une chatte en furie. Et l’histoire commune se déroula : d’abord la mendicité, la fille encore jeune que les trois rôdeurs poussaient à tendre la main faisant le guet, forçant à l’aumône les bourgeois attardés, le soir, dans les coins sombres ; puis la prostitution, la fille grandie emmenant les hommes derrière les palissades, livrant aux amis ceux qui ne payaient pas ; puis le vol, le petit vol pour commencer, la rapine de tout ce qui traînait aux étalages, les coups plus sérieux ensuite, des expéditions préméditées, étudiées, ainsi que de véritables plans de guerre. La bande couchait où elle pouvait, tantôt dans des garnis louches, tantôt dans des terrains vagues. C’était l’été, des flâneries sans fin, au travers des bois de la banlieue, en attendant la nuit, qui livrait Paris à leur dévastation. Ils se retrouvaient aux Halles, parmi les foules des boulevards, dans les cabarets borgnes, le long des avenues désertes, partout où ils flairaient la chance, le pain de paresse à dérober, la joie du vice à prendre sur les autres. Un vrai clan de sauvages, lâchés en pleine civilisation, vivant hors