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encore un sauvetage possible ? Il ne le croyait guère. Puis, qui voudrait, qui saurait mener jusqu’à la guérison une cure d’honnêteté par le travail ? Un être de plus à la mer, dans la tempête, et son cœur saignait de le condamner, bien qu’il doutât de tout moyen raisonnable de salut.

« Mon avis, dit-il à Norine, est qu’en ce moment vous lui cachiez le nom de son père. Nous verrons plus tard. Aujourd’hui, je redouterais des ennuis pour tout le monde. »

Elle approuva vivement.

« Oh ! ne vous inquiétez pas. Je lui ai déjà dit que son père était mort. Toute l’histoire me retomberait sur le dos, et j’ai tant le désir qu’on me laisse tranquille, dans mon coin, avec mon petit ! »

La face chagrine, Mathieu réfléchissait encore, ne pouvait se décider à l’abandon.

« Je lui trouverais bien quelque besogne, s’il voulait travailler. Plus tard, je le prendrais même à la ferme, lorsque je ne craindrais plus qu’il m’empoisonnât mon petit peuple… Je vais voir, je connais un charron qui l’emploierait sans doute, et je vous écrirai la réponse, pour que vous lui disiez où il doit se présenter, quand il reviendra vous voir.

— Comment, quand il reviendra ! cria-t-elle, désespérée, vous croyez donc qu’il va revenir ? Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! Je ne serai plus jamais heureuse ! »

Il revint, en effet. Mais, lorsqu’elle lui donna l’adresse du charron, il haussa les épaules en ricanant. Les charrons, à Paris, il les connaissait, des exploiteurs, des fainéants qui faisaient travailler le pauvre monde pour eux. D’ailleurs, il n’avait pas fini son apprentissage, il n’était bon qu’à faire les courses, il voulait bien une place dans un grand magasin. Et, quand Mathieu lui eut procuré cette place, il n’y resta pas quinze jours, il disparut un beau soir, avec les paquets de marchandises qu’il portait.