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garda, aux joues, un petit frisson, des deux lourds baisers qu’il y posa ensuite, avec une affectation bruyante.

« Et au revoir, n’est-ce pas ? On a beau être pauvres et ne pouvoir habiter ensemble, on sait tout de même qu’on existe, maintenant. Et ça ne m’empêchera pas de monter de temps à autre, vous dire en passant un petit bonjour. »

Quand il eut disparu, un long silence régna, dans l’infinie détresse qu’il laissait de son passage. Norine était retombée sur une chaise, comme sous l’écrasement de la catastrophe. En face d’elle, Cécile accablée, elle aussi, avait dû également s’asseoir. Et ce fut elle, au milieu du deuil de la grande chambre, où, le matin encore, tenait leur bonheur, qui parla la première, pour dire son étonnement, sa protestation.

« Mais tu ne lui as rien demandé, nous ne savons rien de lui… D’où vient-il que fait-il, que veut-il ? Et, surtout, comment a-t-il pu te découvrir ?… C’étaient les seules choses intéressantes à savoir.

— Ah ! que veux-tu ? répondit Norine, quand il m’a dit son nom, ça m’a glacée, anéantie ! Oh ! c’est bien lui, tu as aussi reconnu le père, n’est-ce pas ?… Et tu as raison, nous ne savons rien, nous allons vivre à présent sous cette menace, avec la peur continuelle que la maison ne s’écroule sur notre tête. »

Elle se remit à sangloter, sans force, sans courage, ne bégayant plus que des paroles noyées de larmes.

« Un grand garçon de dix-huit ans qui vous arrive comme ça, sans crier gare !… Et c’est bien vrai que je ne l’aime pas, puisque je ne le connais seulement pas… Quand il m’a embrassée, je n’ai rien senti, qu’un froid de glace, comme si mon cœur était gelé… Mon Dieu ! que j’ai de peine ! Que tout ça est vilain, et sale, et cruel ! »

Et, comme son enfant, en la voyant pleurer, accourait, se jetait sur sa poitrine, effrayé, en larmes lui-même, elle le serra éperdument dans ses bras.