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Andrée vint également s’asseoir, son petit Léonce aux bras, ne tétant plus, sevré depuis huit jours, mais désireux de caresse, heureux contré cette gorge tiède où il avait jusque-là vécu. La conversation était tombée sur l’allaitement. Ambroise raconta comment sa femme, Andrée, avait la conviction de ne pouvoir nourrir, de n’avoir pas de lait, si bien que, sans lui, elle n’aurait pas même essayé ; puis le lait était venu tout de même, elle avait parfaitement nourri. Il y avait certainement qu’à vouloir.

« C’est vrai, ce qu’il raconte, dit Andrée en riant. J’avais une terreur de nourrir, toutes mes amies me disaient que ce n’était pas possible. D’abord, ça m’a semblé dur, et maintenant je suis si heureuse ! »

Elle donna un gros baiser à Léonce. Alors, la mariée, Marthe, eut un involontaire cri du cœur, qui redoubla la gaieté.

« Tu entends, maman ! Je ne suis pas si forte que ma sœur Charlotte, qui nourrit déjà son troisième. Mais ça ne fait rien, je nourrirai. »

Ce fut à ce moment, au milieu des rires, dont la rougeur brusque de Marthe augmentait l’éclat, que les Beauchêne et les Séguin reparurent, avec Mathieu. Ils s’arrêtèrent, frappés du délicieux, du puissant tableau. Dans le cadre des grands arbres, sous le chêne patriarcal, comme née de la même terre grasse, parmi l’herbe drue, toute la famille était là, d’une poussée vigoureuse, en un groupe triomphant de joie, de force et de beauté. Gervais et Claire, toujours actifs, s’occupaient avec Frédéric de hâter les servantes, qui n’en finissaient pas d’apporter le café sur la table desservie. Les trois filles, qui se faisaient aider par le chevalier Grégoire, imaginaient une nouvelle décoration de cette table, perdus tous quatre dans un monceau de fleurs, des roses thé, des roses tendres, des roses rouges. À quelques pas, les mariés, Denis et Marthe, causaient à