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Sur la pelouse, on n’avait pas perdu le temps, depuis que les Beauchêne et les Séguin s’en étaient allés visiter les étables. D’abord, il y avait eu un partage des menus, orné par Charlotte de si délicates aquarelles. La surprise, au déjeuner, les avait tous ravis, de bons rires couraient encore devant cette débandade de têtes d’enfants, une descendance de mère Gigogne assez nombreuse pour qu’on en décorât des services de table entiers. Puis, pendant que les servantes enlevaient le couvert, Grégoire eut un gros succès en offrant à la mariée un bouquet d’admirables roses blanches, qu’il tira d’un buisson voisin, où il l’avait tenu caché jusque-là. Sans doute il guettait une absence de son père. C’étaient les roses du moulin, il avait dû saccager les rosiers du clos, aidé de Thérèse. Marianne, sentant l’horreur de la faute, voulut le gronder. Mais quelles roses blanches superbes, grosses comme des choux, ainsi qu’il le disait ! Et il avait raison, il pouvait triompher, ses roses étaient les seules roses blanches, qu’il avait conquises, en gamin coureur et chevaleresque, capable de sauter des murs, de séduire des fillettes, pour fleurir de blanc une mariée.

« Elles sont trop belles, déclara-t-il avec assurance, papa ne me dira rien. »

Cela fit rire, et il y eut toute une émotion nouvelle. Benjamin et Guillaume, qui s’étaient réveillés, criaient la faim. Ainsi qu’on le fit remarquer gaiement, leur tour était bien venu. Puisque la grande table avait déjeuné d’un si bel appétit, rien n’était plus juste qu’on servît a son tour la petite table. Et comme on se trouvait en famille, cela fut fait bonnement, sans embarras. Marianne, assise à l’ombre du grand chêne, prit Benjamin sur ses genoux, se dégrafa, lui donna le sein de son air riant et grave ; tandis que, près d’elle à sa droite, Charlotte, avec la même sérénité, faisait de même, dévorée par Guillaume, qui était très goulu ; et à sa gauche,