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y reprendre sa belle existence de paresse et de fête. D’abord, Lepailleur, désabusé, irrité d’être dupe, s’y était opposé violemment. Mais que faire, aux champs, de ce gaillard qu’il avait élevé lui-même dans la haine de la terre, dans le mépris du vieux moulin, à moitié pourri ?

Puis, il avait désormais contre lui la mère, en admiration béate devant la science de son garçon, d’une foi têtue, certaine que cette fois il finirait par avoir une bonne place. Et le père avait dû céder, Antonin s’achevait à Paris, petit employé chez un commerçant de la rue du Mail. Seulement, la querelle s’aggravait dans le ménage, surtout lorsque Lepailleur soupçonnait sa femme de le voler pour envoyer de l’argent à son grand fainéant de fils.

Du pont de l’Yeuse, certains jours, on entendait voler les jurons et les gifles. Et là, encore, c’était la famille détruite de la force et du bonheur gâchés.

Mathieu continuait, soulevé d’une véritable colère.

« Des gens qui avaient tout pour être heureux ! On n’est pas bête à ce point, on ne veut pas sa propre misère avec une telle obstination… Leur idée d’un fils unique, par gloriole d’en faire un monsieur, ah ! la réussite est belle, ils en sont contents aujourd’hui !… C’est comme sa haine de la terre, sa culture de routine, son entêtement à laisser stériles les landes qu’il refuse de me céder, sans doute pour protester contre le succès de nos défrichements, s’imagine-t-on quelque chose de plus bassement stupide !… Et c’est comme son moulin encore, qu’il regarde, par sottise et paresse, tomber en ruine. Autrefois, il avait au moins une raison il disait que, le pays ayant presque renoncé au blé, les paysans ne lui apportaient plus de quoi faire tourner ses meules. Mais aujourd’hui que, grâce à nous, le blé déborde, est-ce qu’il n’aurait pas dû jeter par terre la vieille roue, pour la remplacer par une bonne machine à vapeur ?… Ah ! si j’étais à sa place, il y aurait déjà là un