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par excès de poésie noire, la fin du monde, ils ne le voyaient finir que dans le spasme, inconnu jusqu’ici, d’une jouissance centuplée, exaspérée.

— Vous n’ignorez pas, dit froidement Santerre, qu’on a proposé en Allemagne de châtrer, par an, un nombre d’enfants pauvres, que la loi déterminerait, selon les tables des naissances. Ce serait un moyen d’arrêter un peu l’idiote fécondité du peuple.

Ce n’était pas ce pessimisme littéraire qui pouvait troubler Mathieu, car il en plaisantait volontiers lui-même, tout en reconnaissant la désastreuse influence sur les mœurs d’une littérature qui professait la haine de la vie, la passion du néant. Dans cette maison même, il sentait bien souffler la mode imbécile, l’ennui d’une époque anxieuse et souffrante, réduite à se distraire en jouant avec la mort. Lequel de ces deux-là, qui s’empoisonnaient mutuellement, mentait le plus, jetait l’autre à plus de démence ? Au fond de tout pessimiste vrai, il y a un infirme, un impuissant. Lui, dans sa religion de la fécondité, restait convaincu qu’un peuple qui n’a plus foi en la vie, est un peuple dangereusement malade. Et, pourtant, il avait des heures de doute sur l’opportunité des familles nombreuses, selon les circonstances économiques et politiques, il se demandait si dix mille heureux ne valaient pas mieux que cent mille malheureux, pour la gloire et la joie d’un pays.

— Voyons, s’écria Séguin en reprenant l’attaque, vous ne pouvez nier, mon cher monsieur, que les plus forts, les plus intelligents sont les moins féconds. Dès que le cerveau d’un homme s’élargit, sa faculté génératrice s’affaiblit. Le pullulement qui vous charme, dont vous voudriez faire la beauté, ne pousse plus aujourd’hui que sur le fumier de la misère et de l’ignorance. Et, avec vos idées, vous devez être républicain, n’est-ce pas ? Eh bien ! il est également prouvé que la tyrannie augmente