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aux deux derniers venus, le petit Benjamin et le petit Guillaume.

Mathieu et Marianne s’émerveillèrent, ravis, attendris par ce défilé, cette galopade de museaux roses, qu’ils reconnaissaient parfaitement au passage. C’étaient les deux jumeaux dans leur berceau encore, aux bras l’un de l’autre ; c’était Rose elle-même, la chère disparue, en petite chemise, c’était Ambroise, c’était Gervais, nus au grand air, luttant sur l’herbe ; c’était Grégoire, c’était Nicolas, en école buissonnière, dénichant des pies, c’était Claire, c’étaient les trois autres filles, Louise, Madeleine, Marguerite, lâchées par la ferme, se querellant avec les poules, sautant à califourchon sur les chevaux. Mais ce qui toucha surtout Marianne, ce fut son dernier, Benjamin, qui avait tout juste neuf mois, et que Charlotte avait mis, sous le chêne, dans une même petite voiture, avec son fils à elle, son Guillaume, exactement du même âge, né huit jours plus tard.

« L’oncle et le neveu, dit Mathieu en plaisantant. N’importe ! l’oncle est tout de même l’ancêtre, il a une semaine de plus. »

Des larmes douces étaient montées aux yeux de Marianne, dans son sourire. L’aquarelle tremblait un peu entre ses mains heureuses.

« Les chers trésors ! mon cher fils, mon cher petit-fils ! et me voilà une fois de plus mère et grand-mère, avec ces chers petits êtres !… Ah ! ces deux-là sont la consolation suprême, ils ont pansé la blessure, nous leur devons d’avoir repris espoir et courage ! »

Et c’était vrai. Quel deuil, quelle tristesse, les premiers temps, lorsque Charlotte, quittant l’usine, s’était réfugiée à la ferme ! Enceinte de quatre mois, comme Marianne, elle avait failli mourir du tragique accident qui venait d’emporter Blaise. Son premier adoucissement fut de voir que sa fillette, Berthe, un peu chétive à Paris, retrouvait