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du trône, encore obéi pour la sagesse de ses conseils. Et, remplaçant l’ancien jardin inculte, toute une pelouse s’étendait là, un grand carré d’herbe fraîche, que d’admirables arbres, des ormes et des charmes, entouraient, tels qu’un peuple de grands et bienveillants amis. Ces arbres, il les avait plantés, il les avait vus grandir, ils étaient un peu de sa chair. Mais son véritable enfant bien-aimé, le préféré de son cœur, était, au milieu de la pelouse, un chêne déjà fort, âgé de vingt ans bientôt, dont il avait mis la tige frêle en terre, aidé de Marianne, qui tenait le plant, tandis que lui manœuvrait la bêche, le jour où ils avaient fondé leur domaine de Chantebled. Leur œuvre même avait poussé, s’était étendue avec les branches, comme si le sang de leur effort remontait en un flot croissant de sève, à chaque printemps nouveau. Et il y avait encore, près de ce chêne, qui était ainsi de leur robuste famille, un bassin d’eau vivante, alimenté par les sources du plateau qu’ils avaient captées, et dont le petit bruit cristallin entretenait là une perpétuelle allégresse.

La veille du mariage, ce fut donc là qu’il y eut conseil. Mathieu et Marianne étaient venus les premiers, pour voir les préparatifs à faire, et ils y trouvèrent Charlotte, un album sur les genoux, qui achevait un rapide croquis du grand chêne.

« Quoi donc, une surprise ? »

Elle souriait, gênée, un peu confuse.

« Oui, oui, une surprise, vous verrez. »

Puis, elle leur avoua que, depuis quinze jours, elle décorait, à l’aquarelle, des menus pour le déjeuner des noces. Et son idée gentille et tendre était de n’avoir mis que des jeux d’enfants, des têtes d’enfants, toute la poussée des enfants de la famille dont elle avait pu prendre les ressemblances sur d’anciennes photographies. Son croquis du grand chêne allait servir de fond