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entendait trembler sa voix. Puis, c’était l’évidence, elle devait être encore là, puisqu’il n’avait pas même eu le temps de descendre. Tout d’un coup, il se rappela leur conversation, les questions posées par elle, son cri de haine contre celui qu’on avait ramassé sanglant, au fond du gouffre. Le pauvre homme, sous le vent d’horreur qui le glaçait, ne trouva que cette phrase :

« Eh bien ! madame, derrière votre dos, ce pauvre Blaise est venu et s’est brisé le crâne. »

Elle fut parfaite, leva des mains frémissantes, dit d’une voix entrecoupée :

« Mon Dieu ! mon Dieu ! quel effroyable malheur ! »

Mais, à ce moment, une rumeur grandissait dans la maison. La porte du salon était restée ouverte, et l’on entendait s’approcher des voix, des pas, une foule de plus en plus prochaine et grondante. Il y eut, le long de l’escalier, des ordres donnés, des efforts sourds, des poitrines qui reprenaient haleine, toute l’approche d’un fardeau embarrassant, porté avec douceur.

« On me le monte donc ! dit Constance pâlissante, en un cri involontaire qui aurait achevé de renseigner le comptable. On me l’apporte ici ! »

Ce ne fut pas Morange qui répondit, comme hébété sous le coup de hache. Brusquement, Beauchêne avait paru, précédant le corps, livide, décomposé lui aussi, tant cette soudaine visite de la mort le ravageait de peur, dans son besoin de vie heureuse.

« Ma chère, Morange t’a dit l’épouvantable catastrophe… Heureusement que Denis était là, pour les responsabilités, devant la famille… Et c’est Denis justement, comme nous allions porter le malheureux chez lui, au pavillon, qui s’y est opposé, en criant que nous tuerions sa femme, si nous lui ramenions son mari mourant, dans l’état de grossesse où elle est… Alors, n’est-ce pas ? il n’y avait qu’à le faire monter ici. »