Page:Zola - Fécondité.djvu/590

Cette page n’a pas encore été corrigée


Cependant, debout au milieu du salon, l’oreille tendue, Constance écoutait. Pourquoi donc n’entendait-elle rien ? Comme ils étaient lents à descendre le ramasser ! Anxieuse, le tumulte qu’elle attendait, l’effroi grandissant qui monterait de l’usine, les gros pas, les grosses voix, lui faisaient retenir son souffle, frémissante aux moindres bruits épars. Mais le calme était sans fin, il ne montait que du silence. Des minutes s’écoulèrent encore, elle fut heureuse de la paix tiède de son salon. C’était comme un asile d’honnêteté bourgeoise, de luxueuse dignité, où elle se sentait protégée, sauvée. Des objets intimes, un flacon de poche orné d’une opale, un couteau à papier d’argent bruni, laissé dans un livre, la rassurèrent complètement. Elle les retrouvait, elle était surprise, émue, de les voir comme s’ils avaient pris un sens nouveau. Puis, elle eut un petit frisson, elle s’aperçut que ses mains étaient glacées. Doucement, elle les frotta, elle voulut les réchauffer un peu. Pourquoi donc, maintenant, éprouvait-elle une si grande lassitude ? Il lui semblait rentrer d’une longue marche, revenir de quelque accident, des coups qu’on lui avait donnés, qui l’auraient meurtrie. D’ailleurs, c’était, en elle, une sorte de somnolence repue, quelque nourriture dont elle se serait trop rassasiée, après avoir eu trop faim. Quand son mari rentrait du vice, elle l’avait vu ainsi parfois, la chair à ce point satisfaite, qu’il dormait debout, enfin calmé, sans désir ni regret. Elle, de même, ne désirait plus rien, dans la fatigue qui l’engourdissait, étonnée seulement d’elle ne savait quoi, gardant une stupeur des choses. Pourtant, elle s’était remise à écouter, en se disant que, si cet effrayant silence continuait, elle allait s’asseoir, fermer les yeux, dormir. Et, très loin encore, il lui sembla percevoir un bruit léger, à peine un souffle. Qu’était-ce donc ? Non, rien encore. Peut-être avait-elle rêvé cet affreux cauchemar, l’homme en marche, le