Page:Zola - Fécondité.djvu/578

Cette page n’a pas encore été corrigée

devoir conjugal, pas même la présence. Il gardait son air de supériorité victorieuse, déclarant qu’il n’avait pas changé ; et c’était vrai, le patron actif d’autrefois avait beau être devenu le rôdeur sénile, en marche pour la paralysie générale, il n’était toujours que l’égoïste pratique tirant de sa vie la plus grande somme de jouissance possible. Il suivait sa pente, il n’adoptait Blaise que dans son ravissement d’avoir rencontré un garçon intelligent, travailleur, qui lui évitait des soucis devenus trop lourds à ses épaules lasses, tout en lui gagnant encore l’argent de ses plaisirs. Constance savait qu’un projet d’association allait intervenir, son mari devait même avoir touché déjà une forte somme pour boucher des trous qu’il lui cachait, des opérations ineptes, des dettes ignobles. Et, les yeux clos, pendant que la voiture roulait, elle achevait de s’empoisonner de ces choses, elle en aurait crié de fureur, en se jetant sur cette jeune femme, cette Charlotte qui était près d’elle, l’épouse aimée, la mère féconde, pour la gifler et lui déchirer le visage.

Puis, l’idée de Denis lui revint. Pourquoi l’emmenait-on à l’usine ? Allait-il la voler aussi, celui-là ? Elle savait pourtant que, sans situation encore, il avait refusé de s’adjoindre à son frère, estimant qu’il n’y avait point la place pour deux. Il possédait des connaissances techniques très étendues en mécanique, il l’ambitionnait la direction de quelque vaste chantier de construction ; et c’étaient même ces connaissances qui faisaient de lui un conseiller précieux, lorsque l’usine avait à établir le modèle nouveau de quelque importante machine agricole. Mais elle l’écarta pourtant, il ne comptait pas dans ses craintes, puisqu’il n’était chez elle que le passant d’une heure, qui, le lendemain peut-être, s’installerait à l’autre bout de la France. La pensée de Blaise était revenue, obsédante, étouffante, et elle eut tout d’un coup l’inspiration que,