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Cependant, ni Mathieu ni Marianne ne se couchèrent tout de suite. Sans vouloir même en causer entre eux, ils trouvaient Rose singulière, les yeux troubles, l’air ivre. Elle avait de nouveau trébuché en rentrant, ils la décidèrent à se mettre au lit, bien qu’elle se plaignît seulement d’un peu de suffocation. Puis, lorsqu’elle se fut retirée dans sa chambre, qui était voisine de la leur, ils attendirent, la mère alla plusieurs fois s’assurer qu’elle était bien couverte, qu’elle s’endormait tranquillement, pendant que le père veillait, inquiet et rêveur sous la lampe. Enfin, elle dormit, et tous deux alors, après avoir laissé la porte de communication ouverte, s’entretinrent un instant à demi-voix, voulant se tranquilliser : ce ne serait rien, une bonne nuit suffirait. Ils se couchèrent à leur tour, toute la ferme fit silence, anéantie de sommeil, jusqu’au premier chant du coq. Mais, vers quatre heures, avant l’aube, une brusque plainte sourde, étouffée : « Maman ! maman ! » éveilla les époux, les jeta sur le parquet, pieds nus, frissonnants, tâtonnants, en quête de la bougie. C’était Rose qui étouffait, qui se débattait contre une nouvelle crise, d’une violence extrême. Pour la seconde fois, après quelques minutes, elle reprit connaissance, elle parut soulagée, et les parents, dans leur angoisse pourtant si vive, préférèrent n’appeler personne, attendirent le jour. Leur terreur, surtout, venait de ce qu’ils trouvaient leur fille méconnaissable, la face gonflée, décomposée, comme si quelque puissance mauvaise la leur changeait, la leur volait, en une seule nuit. Elle s’était pourtant rendormie, d’un air d’accablement. Et ils ne bougeaient plus, de peur de troubler ce repos, et ils veillaient, ils attendaient, en écoutant la ferme revivre, à mesure que grandissait le jour. Les heures sonnèrent, cinq heures, six heures. Vers sept heures moins vingt, Mathieu, apercevant dans la cour Denis qui devait rentrer à Paris par le train de