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la pluie prochaine, on en eût déjà tiré à demi les rideaux de grosse toile blanche, ce qui le faisait ressembler, de loin, à quelque charrette de meunier.

Puis, derrière encore, en guise d’arrière-garde, marchait à pied un groupe formé de Blaise et de Denis, de Mme Desvignes et de ses deux filles, Charlotte et Marthe. Ils avaient absolument refusé de prendre une voiture, ils trouvaient très agréable de faire, en se promenant, les deux kilomètres qui séparaient Chantebled de Janville. S’il pleuvait, ils se réfugieraient bien quelque part.

D’ailleurs, Rose l’avait déclaré : c’était parfait, il fallait une suite à pied, pour que le cortège eût tout le développement, toute la signification désirable : ces cinq-là faisaient la foule, l’immense concours de peuple qui suivait ses souverains, en les acclamant. Ou bien encore ils étaient la garde nécessaire, les aînés, les hommes d’armes qui veillaient, en queue, afin de déjouer l’attaque possible de quelque voisin félon. Le malheur advint que, la bonne Mme Desvignes ne marchant pas vite, l’arrière-garde se trouva vite distancée, à ce point qu’elle ne forma bientôt plus, au loin, qu’un très petit groupe perdu.

Mais cela ne déconcertait pas Rose, dont les mécomptes redoublaient le grand rire. Au premier coude de la route, elle se retourna sur sa selle ; et, lorsqu’elle vit son arrière-garde à plus de trois cents mètres, elle se récria d’admiration.

« Oh ! regardez donc, Frédéric. Quel cortège interminable ! En tenons-nous une place ! Ça s’allonge, ça s’allonge toujours, et la campagne ne va pas être assez longue. »

Et, comme les trois demoiselles d’apparat, ainsi que le page, se permettaient de gouailler :

« Dites donc, vous autres, si vous étiez respectueux… Comptez donc un peu, pour voir ! Nous sommes six à l’avant-garde, n’est-ce pas ? Dans le char, ils sont neuf, ça