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ration une somme qui dépasserait toute une année du misérable loyer de six cents francs.

— Une soudure, répéta-t-il, une soudure, c’est entendu. Je vais écrire au plombier.

Et, voulant rompre la conversation :

— Monsieur Froment, attendez ! Je désire vous montrer une merveille, à vous qui êtes un homme de goût.

Il avait, en effet, pour Mathieu, une certaine estime, le sachant d’une intelligence prompte, toujours en création. Celui-ci s’était mis à sourire, se prêtant à la tactique de diversion, ayant au fond la volonté ferme de ne pas quitter la place, sans avoir obtenu la toiture entière. Il prit un livre, revêtu d’une merveilleuse reliure, que le collectionneur était allé chercher dans une bibliothèque vitrée, et qu’il lui tendait, religieusement. Sur le plat, de cuir soyeux, d’un blanc de neige, était incrusté un grand lis d’argent, que barrait une touffe de gros chardons violâtres. Et le titre de l’œuvre : « l’Impérissable Beauté », était jeté en haut, comme en un coin de ciel.

— Ah ! c’est d’une invention, c’est d’une coloration délicieuses ! déclara Mathieu vraiment ravi. On fait maintenant des reliures qui sont des joyaux.

Il remarqua le titre.

— Mais c’est le dernier roman de monsieur Santerre !

Séguin, du coin de l’œil, guettait avec un sourire l’écrivain, qui s’était approché. Et, quand il le vit examiner à son tour le livre, ému de la flatterie :

— Mon cher, mon relieur me l’a rapporté ce matin, et j’attendais une occasion pour vous faire la surprise de vous le montrer. C’est la perle de ma collection… Que dites-vous de l’idée ? ce lis qui est la pureté triomphante, et ces chardons, plantes des ruines, qui disent la stérilité