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dont il devait expliquer le mécanisme ; tandis qu’elle, figée d’admiration et de convoitise, regardait la machine de ses yeux de péché. Elle ne put résister au désir, il la soulevait toute rieuse dans ses bras de petit homme, pour l’asseoir une minute sur la selle, lorsque la terrible voix de la mère éclata.

« Sacrée gueuse, qu’est-ce que tu fais là encore ? Veux-tu bien vite revenir, ou je vas te régler ton compte ! »

Mathieu, qui s’était aperçu de la scène, rappela Grégoire, lui aussi, sévèrement.

« Va mettre ta machine avec les autres, et tu sais ce que je t’ai déjà défendu, ne recommence pas. »

C’était la guerre. Lepailleur, impudent, gronda des menaces avec des mots ignobles, que les brusques accords d’un orgue de Barbarie couvrirent. Et les deux familles se séparèrent s’éloignèrent au milieu de la foule endimanchée, dont le flot grandissait.

« Mon Dieu ! ce train n’arrivera donc pas ! reprit Rose, qui, dans son impatience joyeuse, se tournait à chaque instant vers l’horloge de la petite gare, au fond de la place. Encore dix minutes, qu’est-ce que nous pourrions bien faire ? »

Justement, elle s’était arrêtée devant un homme, debout au coin d’un trottoir, en train de vendre des écrevisses, un plein panier d’écrevisses, grouillant à ses pieds. Elles venaient sûrement des sources de l’Yeuse, à trois lieues de là : des écrevisses pas grosses, mais excellentes, qu’elle connaissait bien, pour en avoir elle-même pêché parfois quelques-unes, le long du ruisseau. Une idée de gourmandise lui vint, qui était aussi une idée de jeu.

« Oh ! maman, nous allons lui acheter tout son panier… Tu comprends, c’est pour le festin de bienvenue, c’est notre cadeau au royal couple que nous attendons. On ne dira pas que Nos Majestés ne font pas bien les choses,