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comprendre. S’il ne se fâchait pas encore ouvertement, c’était par orgueil, pour ne pas avouer son mécompte, le doute où il tombait du bel avenir d’Antonin. Les portes closes, il se vengeait sur sa femme, la poursuivait de querelles affreuses, depuis qu’il avait découvert ses continuels envois d’argent ; et elle lui tenait tête, admirant son garçon comme elle l’avait admiré lui-même autrefois, sacrifiant le père au fils, maintenant que l’instruction plus grande de celui-ci la stupéfiait davantage ; de sorte que le désaccord se mettait dans le ménage, né justement de leur tentative d’avoir pour héritier un monsieur, un Parisien, qui les avait gonflés d’un si vaniteux espoir. Antonin, lui, ricanait, haussait les épaules, promenait au soleil sa laide maladie, en attendant d’être assez fort pour retourner à son vice.

Lorsque les Froment passèrent, ce fut un beau spectacle de voir les Lepailleur raidis, les mangeant des yeux. Le père tordit la bouche comme pour se moquer, la mère eut un hochement de bravade. Debout, les mains dans ses poches, le garçon parut lamentable, avec sa tête déjà chauve, son dos qui se voûtait, la ruine blême où sombrait sa jeunesse. Et ils cherchaient tous les trois ce qu’ils pourraient bien trouver de désagréable, lorsqu’une occasion se présenta.

« Eh bien ! où donc est Thérèse ? glapit tout d’un coup la Lepailleur. Elle était là, qu’est-elle encore devenue ? Je ne veux pas qu’elle me quitte, quand il y a tout ce monde. »

En effet, Thérèse avait disparu depuis un instant. Elle venait d’entrer dans sa dixième année, elle était jolie comme un cœur, une petite blonde déjà grasse, avec des cheveux fous, des yeux noirs qui luisaient, pareils à des chandelles. On se l’imaginait toute rose, toute dorée, poudrée à blanc, dans la farine du moulin. Mais elle se montrait terrible, d’une vivacité, d’une décision à faire