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exaltait. Denis n’en continuait pas moins ses tendres visites chez Mme Desvignes, qui le recevait comme un fils, confiante et prudente, elle aussi. Ce matin-là, il était même parti de la ferme, dès sept heures, en disant qu’il allait surprendre Blaise en famille, au saut du lit, de sorte qu’on devait également le retrouver à Janville.

Justement, la fête de Janville tombait ce dimanche, le deuxième de mai. Devant la gare, la Grand-Place était envahie par des chevaux de bois, des guinguettes volantes, des baraques et des tirs. Pendant la nuit, des ondées orageuses avaient lavé le ciel, il était d’un bleu pur, avec un soleil flamboyant, trop chaud pour la saison. Aussi, du monde était déjà là, tous les badauds du pays, des bandes d’enfants, des paysans d’alentour pressés de voir. Et ce fut au milieu de cette foule que la famille tomba, les bicyclistes d’abord, le break ensuite, puis la queue qu’on avait prise à l’entrée du village.

« Nous produisons notre petit effet », dit Rose, en sautant de sa machine.

C’était incontestable. Les premières années, Janville tout entier s’était montré dur pour les Froment, ces bourgeois venus on ne savait d’où, qui avaient l’outrecuidance de vouloir faire pousser du blé où ne poussaient que des pierres, depuis des siècles. Puis, le miracle, l’extraordinaire victoire, en blessant les vanités, avait longtemps encore exaspéré les haines. Mais tout s’use, on ne tient pas rancune au succès, les gens qui s’enrichissent finissent toujours par avoir raison. Et maintenant, Janville souriait avec complaisance de cette famille pullulante qui avait grandi là, oubliant que chaque enfant de plus, autrefois, était un nouveau scandale pour les commères. D’ailleurs, comment résister à la force heureuse, à la gaieté de cette invasion, lorsque, comme par ce dimanche de fête, la famille entière arrivait au galop, conquérait les routes, les rues et les places ? Le