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l’usine. Pauvre maman ! elle est si lasse, qu’il lui sera bientôt impossible de mettre un pied devant l’autre. »

Pendant qu’elles parlaient toutes les deux à la fois, se coupait vivement la parole, reprenant, achevant la phrase, Mathieu regardait Norine, qui, dans cette vie régulière et calme, retrouvait à trente-six ans, une fraîcheur apaisée, une pleine maturité de fruit superbe, doré de soleil. Et Cécile elle-même, si mince, restée fillette à jamais, avait pris de la force, l’énergique amour dans un corps d’enfant.

Cette dernière jeta brusquement une exclamation de terreur.

« Mais il s’est blessé, le malheureux ! »

Et elle arracha les ciseaux des mains du petit, qui, une goutte de sang au bout d’un doigt, riait.

« Ah ! mon Dieu ! murmura Norine toute pâle, j’ai cru qu’il s’était fendu la main. »

Un instant, Mathieu se demanda s’il était bien utile de remplir jusqu’au bout son étrange mission. Puis, il lui parut bon de prévenir au moins la jeune femme, qu’il voyait là si paisible, dans la vie de travail qu’elle avait fini par se faire. Et il procéda prudemment, ne lâcha la vérité que peu à peu. Pourtant, il vint un moment où, après lui avoir rappelé la naissance d’Alexandre-Honoré, il dut lui dire que cet enfant vivait.

Elle le regarda, bouleversée.

« Il vit, il vit !… Pourquoi me dites-vous cela ? J’étais si tranquille de ne pas savoir !

— Sans doute, mais il vaut mieux que vous sachiez. On m’a même assuré que l’enfant devait être à Paris, et je me demandais s’il ne vous avait pas retrouvée, s’il n’était pas venu vous voir. »

Alors, elle s’affola complètement.

« Comment, venu me voir !… Personne n’est venu me voir… Et vous pensez qu’il pourrait venir ? Mais je