Page:Zola - Fécondité.djvu/532

Cette page n’a pas encore été corrigée

fort, l’air empâté. Mais, lorsqu’elle l’eut démailloté, de ses mains que l’inquiétude agitait, elle lui trouva les jambes et les bras petits, le ventre fort.

« Il a le ventre bien gros, murmura-t-elle, cessant de rire assombrie d’une nouvelle crainte.

— Plaignez-vous donc ! cria la Couteau. L’autre était maigre, celui-ci va être trop gras… Jamais les mères ne sont contentes. »

Du premier coup d’œil, Mathieu avait reconnu un de ces enfants nourris de soupe, bourrés par économie de pain et d’eau, victimes désignées à tous les détraquements d’estomac de la petite enfance. Et, devant ce pauvre être, l’effroyable Rougemont, avec son massacre quotidien d’innocents, se dressait dans sa mémoire, tel qu’on le lui avait conté jadis. C’était la Loiseau, d’une saleté répugnante, que les nourrissons y pourrissaient sur un fumier ; c’était la Vimeux n’achetant jamais une goutte de lait, ramassant les croûtes du village, faisant la pâtée au son pour ses pensionnaires, comme pour des porcs ; c’était la Gavette toujours aux champs, les confiant à la garde d’un vieux paralytique, qui en laissait parfois tomber un dans le feu ; c’était la Cauchois qui se contentait de les attacher dans leurs berceaux, n’ayant personne pour les surveiller, les abandonnant en compagnie des poules, dont la bande entrait leur piquer les yeux, mangés par les mouches. Et les coups de mortalité passaient, les assassinats en masse, les portes grandes ouvertes sur une file de berceaux, afin de faire plus vite de la place aux nouveaux paquets expédiés de Paris. Pourtant, tous ne mouraient pas, puisque celui-ci, au moins revenait. Mais, quand on les ramenait vivants, la plupart rapportaient en eux un peu de la mort de là-bas, et il y avait là encore une hécatombe, payée au dieu monstrueux de l’égoïsme social.

« Je n’en puis plus, je m’assois, reprit la Couteau,