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heures vont sonner, et c’est justement l’heure où elle a promis d’être là… Vous savez, Mme Menoux, la troisième boutique, dans la première rue, en tournant à gauche. »

Puis, elle s’excusa de ne pouvoir l’y conduire.

« Je suis seule à la maison. On n’a toujours pas de nouvelles de Monsieur. Le mercredi, Madame préside sa séance de l’œuvre, et Mlle Andrée vient d’être emmenée par son oncle, pour une promenade, je crois. »

Mathieu se hâta de se rendre chez Mme Menoux. De loin, sur le seuil de la boutique, il aperçut la mercière, encore réduite par l’âge, redevenue à quarante ans d’une maigreur de fillette, le visage effilé en lame mince. Elle était comme brûlée d’activité muette, elle s’acharnait depuis vingt années à vendre ses deux sous de fil et ses trois sous d’aiguilles, sans jamais faire fortune, heureuse simplement d’ajouter chaque mois son pauvre gain aux appointements de son mari, pour lui donner des douceurs. Ses rhumatismes allaient sans doute le forcer à quitter sa place du musée, que deviendraient-ils avec les quelques centaines de francs de la retraite, si elle ne continuait pas son commerce ? Mais, ils n’avaient pas eu de chance : la mort de leur premier enfant, la naissance tardive du second, certes passionnément accueilli, mais tout de même bien lourd à leurs épaules, maintenant surtout qu’elle avait dû se décider à le reprendre. Et Mathieu la trouvait ainsi dans la grosse émotion de l’attente, sur le seuil de la boutique, les regards au loin, guettant le coin de l’avenue.

« C’est Céleste qui vous envoie, monsieur… Non, la Couteau n’est pas encore là. Mais j’en suis étonnée, je l’attends d’une minute à l’autre… Si vous voulez bien, monsieur, prendre la peine d’entrer et de vous asseoir. » Il refusa l’unique chaise qui barrait l’étroit couloir, où trois clientes avaient peine à se tenir debout. Derrière