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conquérant du dehors, jusqu’à l’accepter, malgré l’injure, malgré sa révolte de femme, son horreur bourgeoise de la bâtardise, souillée de basse débauche ? S’il n’était pas d’elle pourtant, il était du sang de son mari. Et, peut-être déjà, l’idée de l’empire à sauver, de l’usine à remettre entre les mains de l’héritier, la grandissait-elle, au-dessus de ses préjugés et de ses rancunes. Mais ce n’était encore là qu’un ouragan de sensations confuses, et il n’y avait toujours, en son être, que cette tourmente éperdue de la mère qui n’a plus d’enfant, qui n’en aura jamais plus, qui en est à vouloir retrouver l’enfant d’une autre, torturée du rêve fou de le faire un peu sien.

« Dois-je mettre Beauchêne au courant de mes recherches ? demanda Mathieu.

— Faites comme il vous plaira. Cela vaudrait mieux pourtant.

Le soir même, Constance rompit rudement avec son mari. Elle le chassa du lit conjugal, elle le chassa de la chambre. Puisqu’elle le voyait perdu, incapable désormais de diriger l’usine, puisqu’en n’attendait plus de lui l’enfant, elle pouvait donc lui cracher tout le mépris, tout le dégoût qu’elle avait de son étreinte, depuis tant d’années. Il y avait, pour elle, un sentiment si vif de délivrance dans cette idée de n’être plus touchée par cet homme, qu’elle eut une heure de joie vengeresse, à lui dire sa nausée, combien il lui avait répugné toujours, avec son odeur de débauche. Et il eu peur, il s’en alla coucher dehors, tellement elle lui parut grande et redoutable, toute grêle et noire qu’elle était, lorsqu’elle lui cria qu’elle ne le retenait plus, qu’il pouvait retourner à son ordure, y rester librement, s’y noyer. C’était la logique en marche, l’inévitable désorganisation qui s’achevait, d’abord les fraudes nécessitées par l’égoïste orgueil de l’argent, l’exutoire d’un peu de vice toléré aux appétits mal satisfaits du mari, puis la déchéance