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emportait avec lui tout ce qui faisait sa grâce, sa gloire de femme. Puisqu’elle ne pouvait plus être ni épouse, ni mère, à quoi bon la beauté conquérante des épouses et des mères ? Ses cheveux tombèrent, elle vit ses dents jaunir et s’ébranler. Il survint aussi une faiblesse progressive de la vue, tandis que des bourdonnements d’oreille, presque incessants, l’affolaient. Mais ce dont elle s’épouvanta le plus, ce fut de cet amaigrissement qui la desséchait, la décharnait, balafrée de rides, la peau dure, jaunie, cassante comme un parchemin. Et elle eut un geste affreux, dans son impudeur de femme agonisante.

« Oh ! vous ne voyez pas tout, mon ami… Tenez ! regardez ! »

Et, des deux mains, elle ouvrit, elle arracha son corsage. Sa gorge, ses épaules apparurent, tout le désastre de sa beauté détruite, tout le deuil effroyable de sa chair, autrefois si chaude, si odorante, si éclatante, aujourd’hui crevassée, vidée, tel qu’un fruit trop mûr qui tombe et se gâte. C’était le saccage de sa nudité secrète, la défaite à jamais de l’amour. Et ses deux mains tremblèrent d’une honte enragée, quand elle se recouvrit peureusement, pour cacher cette vieillesse hâtive, ainsi qu’un ulcère immonde, qui l’aurait rongée.

« Alors, mon ami, que faire ? Mes mains elles-mêmes ne me semblent plus être à moi, je ne sais plus à quoi les occuper. Il ne me reste qu’une envie, dormir toujours, dormir sans rêves. Mais, dès que je m’assoupis, j’ai des cauchemars affreux. Je passe mes nuits comme mes jours, à me traîner de chaise en chaise, dans une exaspération de continuelle colère, qui achève de me rendre la vie intolérable… Et tout cela, ce n’est rien. La vieillesse, la ruine de mon corps, je l’accepterais. Si ce Gaude n’avait fait que hâter mes rides, l’inévitable flétrissure, je pourrais lui pardonner en me disant qu’il faut