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retrouver seule chez elle. En l’écoutant raconter, avec une amertume affreuse, les opérations de Gaude, le chirurgien illustre, Constance s’était dit qu’un homme capable d’accomplir de tels miracles pour empêcher les enfants de naître devait aussi pouvoir les faire éclore, sous ses doigts de magicien. Elle avait toujours en tête le mot de Boutan, l’occlusion, qui la ravageait, éveillait en elle une idée d’obstacle, de route obstruée et close. Mais cela dépendait de la chirurgie, pourquoi ne s’adresserait-elle pas à Gaude ? Elle ne voulut même pas consulter de nouveau le docteur, son plan fut d’aller à Gaude tout droit, afin qu’on ne la décourageât pas, en discutant l’utilité de sa visite. Seulement, lorsqu’elle supplia Sérafine de l’accompagner chez le terrible opérateur, celle-ci refusa furieusement, déclarant qu’elle ne pourrait le revoir sans lui arracher un peu de son abominable chair d’homme destructeur de la femme, tueur du désir. Et Constance, qui parut abandonner son projet, s’exalta, attendit l’heure du courage, pour faire seule, en grand secret, la démarche.

Un jour que Sérafine revenait justement de chez les Beauchêne, elle rencontra Mathieu, l’emmena chez elle, tant elle l’apitoya. C’était un besoin qu’elle lui avait témoigné dix fois, un très ancien besoin de l’avoir pour confident, de se soulager en lui confessant le désastre de sa vie, qu’elle ne pouvait dire à personne. Lui, l’amant d’autrefois, l’ami de vingt ans, l’entendrait.

« Ah ! mon ami, je ne vis plus, excusez-moi si vous trouvez ici tout à l’abandon », lui dit-elle, en l’introduisant dans son rez-de-chaussée de la rue de Marignan, autrefois si discrètement, si voluptueusement tenu.

Il en fut très frappé. Sans doute elle n’y recevait plus les mystérieuses visites pour lesquelles l’appartement semblait avoir été fait. Les pièces closes, aux lourdes tentures, aux épais tapis, semblaient envahies de poussière