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elle s’entêta longtemps dans l’attente d’un prodige, elle s’acharna, jura qu’elle violenterait le destin.

Beauchêne était fort ennuyé. Elle ne l’accusait plus d’impuissance, elle le gardait, fermait les portes, le voulait tout à elle, dans l’idée que chacune de ses trahisons, maintenant, lui volerait un peu de son espoir. Et cela sans tendresse, d’une main rude, d’un air de commandement, où il y avait toujours pour lui le même mépris, le même dégoût. Elle l’acceptait, l’exigeait, comme les drogues nauséabondes qu’elle consentait à prendre, si répugnée souvent, qu’elle l’aurait chassé, renvoyé à son ordure coutumière, avec un soupir de soulagement immense. Elle le martyrisait aussi en ne lui parlant que de l’enfant voulu, attendu, rêvant tout haut répétant à satiété ce qu’elle faisait, ce qu’elle espérait. Puis, à chaque mécompte, c’étaient des querelles infernales, le flot des anciens reproches, les bâtards inconnus jetés à sa face ; et cette déconvenue amère revenait comme un glas, son succès de mâle avec les autres femmes, lorsque rien avec elle ne réussissait. Était-ce donc que l’un et l’autre se neutralisaient, qu’ils n’étaient pas faits pour s’appareiller ? Peut-être, un moment, songea-t-elle à un adultère de simple expérience, torturée par cette idée que là se trouvait l’unique façon de savoir si, vraiment, la stérilité venait d’elle. Mais elle ne pouvait s’y résoudre, tout son être protestait, se révoltait, son tempérament, son éducation. Et ce dernier doute, ce point qui devait rester à jamais obscur, acheva de l’exaspérer, en empoisonnant son tourment.

Depuis près de deux années, Constance luttait ainsi, lorsqu’il lui vint un espoir encore, l’idée d’une partie suprême. Elle avait reçu les confidences de Sérafine, qui s’était rapprochée de sa famille, si fréquemment malade à présent, si lasse, si vieillie qu’elle s’oubliait volontiers au foyer des autres, dans la terreur de se