Page:Zola - Fécondité.djvu/507

Cette page n’a pas encore été corrigée

sans cesse reculées, convaincu au fond de l’inutilité de tous les efforts. Et elle résolut de tenter autre chose, elle se mit dans les mains de Mme Bourdieu, à la suite d’une visite, où celle-ci, après l’avoir examinée, se récria, s’engagea formellement à la guérison, en expliquant que le cas de Mme Angelin était bien différent, un cas d’abus, de délais destructifs, de perversion lente de l’organe. Alors, un nouveau régime, une nouvelle attente commencèrent. Pendant des mois encore, elle alla rue de Miromesnil, elle se soumit aux soins les plus rudes, aux pratiques les plus douloureuses. Mais rien ne venait toujours, la nature si longtemps dupée se refusait à lui refaire une fertilité, elle retomba dans l’angoisse de sa maternité morte, brisée par les continuelles alternatives d’espoir et de désespoir. Et ce fut l’affolement, la course aux empiriques, les journaux lus chaque matin pour y trouver l’annonce d’un remède, l’adresse de quelque officine louche, où l’on trafiquait sur les mères stériles, comme on spéculait dans d’autres sur les mères trop fécondes. Un soir, elle se rendit chez la Rouche, qui avait joint à sa spécialité des mort-nés la vente d’une drogue infaillible contre la stérilité chronique supprimant ou donnant ainsi des enfants, selon le désir des clientes. Désormais, cette bourgeoise prude, qui refusait de se montrer même à son accoucheur, fréquentait des cliniques de charlatans, provoquait d’incessantes visites, se serait dénudée sur une place publique, si la foi lui était venue qu’une grossesse miraculeuse lui tomberait du ciel. Elle en arrivait à l’idée fixe, à un enragement de volonté contrecarrée, de tendresse inassouvie, si douloureux, que son mari parfois la crut folle, la nuit, en la voyant mordre son oreiller, pour ne pas hurler à la mort. Et, lorsqu’elle eut tout essayé, tout épuisé, jusqu’aux saisons d’eaux et aux neuvaines, aux cierges brûlés devant des Vierges propices, elle ne voulut pas encore s’avouer vaincue,