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encore devant le monde leur attitude de bonne entente, des faits disaient la lente désunion, la rupture nouvelle, s’aggravant de semaine en semaine. Beauchêne avait repris presque complètement sa vie au-dehors, en homme harassé, irrité des corvées conjugales, si peu douces, d’autant moins agréables, qu’elles restaient parfaitement inutiles. Constance luttait quand même, le retenait, d’une âpreté de guerrière qui se trahissait dans ce regard de possession dont elle l’enveloppait, résolue à ne le rejeter que vide et mort. Était-ce donc possible, en étaient-ils à l’impuissance des Angelin ? Tout ce qu’elle avait pressenti, redouté, allait-il se réaliser, faire choir son ménage au vide affreux où elle voyait sombrer le ménage de son amie ? Cette idée d’impuissance l’exaspérait, la rendait honteuse, comme d’une tare, d’une déchéance. Elle ne l’acceptait pas pour elle. Son mari peut-être, car il s’était prodigué, usé partout. Et il y eut une heure furieuse où la querelle d’alcôve éclata, où ils s’accusèrent mutuellement de la stérilité qui les désolait, dans la colère enfin débordante de leurs vaines étreintes.

Beauchêne déclarait que ça se soignait. Mais qui consulter ?

Quand il nomma Boutan, Constance protesta d’abord, car elle le redoutait, elle craignait de le voir triompher, avec ses théories qu’elle avait si longtemps combattues. Puis, elle céda, d’une pruderie toujours en éveil, ne consentant encore à se laisser examiner que par l’accoucheur qui la connaissait.

Le matin où Boutan fut appelé, il trouva les époux dans le petit salon jaune, qu’il connaissait bien, pour y être venu tant de fois en visite, lors de l’enfance maladive de Maurice. Tout de suite, les portes soigneusement fermées, Beauchêne voulut le prendre sur le ton de la plaisanterie, afin d’esquiver l’embarras des premières explications. Il amena Boutan devant sa femme debout, très pâle, très grave.