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« Mais je vous répète que personne n’a rien à craindre de moi ni mon mari, ni cette fille, ni l’enfant. Comprenez donc ! je suis seulement tourmentée, je souffre de ne pas savoir, oui ! il me semble que je serai plus tranquille, dès que je saurai. C’est pour moi que je vous interroge, pour mon repos… Ah ! si je vous disais, si je vous disais ! »

Il commençait à deviner bien des choses, elle n’avait pas besoin de tout lui dire. Déjà, le rapprochement du ménage le renseignait il s’était douté, au lendemain de la mort de Maurice, du désir ardent qu’ils avaient de le remplacer, des efforts qu’ils faisaient pour avoir un fils encore. Et, depuis un an que ce fils ne venait pas, il avait pu suivre leur déception, leur tristesse croissante, la colère enfin, les amertumes et les querelles, où leur impuissance les jetait. Puis, voilà qu’il assistait, chez l’épouse vieillie, à cette crise de jalousie singulière, cette hantise de l’enfant que son mari ne lui faisait pas maintenant, qu’il avait fait à cette fille autrefois. La femme ne comptait plus, elle avait su cette fille belle, fraîche, de chair adorable, autant qu’elle-même était sèche, jaune glacée avant l’âge ; et elle n’avait pas un mot d’amoureuse blessée. C’était la mère seule qui souffrait en elle, c’était l’enfant qu’elle jalousait d’un cœur éperdu. Elle ne pouvait le chasser de son souvenir, il revenait sans cesse comme une moquerie, comme une insulte chaque fois qu’elle constatait l’inutilité de son attente, la débâcle d’une espérance nouvelle. Et, chaque mois, la désillusion s’aggravait, elle rêvait plus passionnément de l’enfant de l’autre, elle le voulait, elle s’irritait à se demander où il était, ce qu’il était devenu et s’il se portait bien, et s’il ressemblait à son père.

« Je vous assure, mon cher Mathieu, reprit-elle, que vous ferez une bonne œuvre en me répondant… Vit-il ? Dites-moi seulement s’il vit. Mais ne me mentez pas… S’il