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Constance avait à peine quarante et un ans. Beauchêne, de six ans plus âgé, affectait la certitude d’un gaillard solide, capable encore de peupler un monde. On ne les voyait plus qu’ensemble. Ils se couchaient tôt. Pendant six mois, ils eurent une existence réglée, étroite, dans laquelle on les sentait d’accord, mettant toute leur bonne volonté, toute leur puissance à réussir l’œuvre commune. Mais l’enfant désiré, attendu, ne vint pas. Et six mois encore se passèrent, et dès lors il sembla que la bonne entente se rompait, que des inquiétudes, des reproches, des colères devaient commencer à troubler l’alcôve, car Beauchêne s’échappait de nouveau parfois, pour prendre l’air, disait-il, tandis que Constance, les yeux rouges, fiévreuse, restait seule au foyer.

Un jour que Mathieu était venu rendre visite à sa belle-fille Charlotte, et qu’il s’oubliait, dans le jardin, à jouer avec la petite Berthe, grimpée sur ses genoux, il fut surpris de voir descendre Constance, qui devait l’avoir aperçu des fenêtres de l’hôtel voisin. Elle finit par l’emmener sous un prétexte, elle le garda près d’un quart d’heure, sans se décider à parler. Puis, brusquement :

« Mon cher Mathieu, excusez-moi de vous entretenir d’une chose qui ne peut que nous être pénible… Il y a bientôt quinze ans déjà, mon mari a eu, je le sais, un enfant, d’une ouvrière de l’usine. Et je sais aussi que, dans cette circonstance, vous lui avez rendu le service d’être son intermédiaire, de vous occuper de cette fille et de son enfant, un garçon, n’est-ce pas ? »

Elle attendit une réponse. Mais Mathieu, stupéfait de la voir si bien renseignée, ne comprenant pas pourquoi, après tant d’années, elle s’adressait à lui, au sujet de cette histoire fâcheuse, n’eut qu’un geste, où se trahirent sa surprise et son inquiétude.

« Oh ! reprit-elle, je ne vous fais aucun reproche, je