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voir lâchés au travers du domaine, comme une bande de petits chevaux, se suivant d’un galop inégal, selon la taille, filant aux quatre points de l’horizon ! Elle savait bien qu’elle ne les retiendrait pas toujours dans ses jupes, heureuse si la ferme en gardait deux ou trois, résignée à laisser les cadets, ceux qui n’y trouveraient pas leur place, s’en aller à la conquête des pays voisins. C’était l’expansion fatale, la terre réservée, acquise à la race la plus nombreuse, Blaise installé dans l’usine depuis deux ans bientôt, ses frères partis déjà pour d’autres envahissements. Puisqu’ils étaient le nombre, ils seraient la force, le monde leur appartiendrait. Eux aussi, le père la mère, à chaque enfant nouveau, s’étaient sentis plus forts. Chaque enfant les avait rapprochés, unis davantage. S’ils avaient vaincu toujours, malgré de terribles soucis, c’était à leur amour, à leur travail, au continuel enfantement de leur cœur et de leur volonté qu’ils devaient cette continuelle victoire. La fécondité est la grande victorieuse, elle fait les héros pacifiques, qui soumettent la terre, en la peuplant. Et, cette fois surtout, après ces deux années, lorsque Marianne accoucha d’un garçon, Nicolas, le onzième, Mathieu l’embrassa passionnément, triomphant par-dessus tous les chagrins et toutes les douleurs. Encore un enfant, encore de la richesse et de la puissance, une force nouvelle lancée au travers du monde, un autre champ ensemencé pour demain.

Et c’était toujours la grande œuvre, la bonne œuvre, l’œuvre de fécondité qui s’élargissait par la terre et par la femme, victorieuses de la destruction, créant des subsistances à chaque enfant nouveau, aimant, voulant, luttant, travaillant dans la souffrance, allant sans cesse à plus de vie, à plus d’espoir.