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cœur de Constance, l’arbre coupé à sa racine, l’unique rejeton tranché, plus rien à naître d’elle.

Un instant encore, elle resta seule dans ce néant, dans cette chambre où gisaient les restes de son fils. Puis elle se décida, elle passa dans le salon, de son air de spectre glacé. Tous se levèrent, l’embrassèrent, frémirent au contact de ses froides joues, que le sang ne chauffait plus. Une pitié profonde étreignait les âmes, tant elle était effrayante, avec son calme. On cherchait de bonnes paroles, mais elle les arrêtait d’un petit geste sec.

« C’est fini, disait-elle, que voulez-vous ? c’est fini, bien fini. »

Mme Angelin sanglotait, Angelin lui-même essuyait ses pauvres yeux fixes et troubles. Marianne et Mathieu lui avaient gardé les mains dans les leurs en pleurant. Elle, rigide, ne pouvait toujours pas pleurer, refusait les consolations, répétant d’une voix monotone :

« C’est fini, rien ne me le rendra, n’est-ce pas ? Alors, il n’y a plus rien, c’est fini, bien fini. »

Il fallait être brave pourtant, tout un flot de visites allait venir. Mais il lui restait à recevoir un dernier coup au cœur. Beauchêne, que les larmes avaient repris, depuis qu’elle était entrée, ne voyait plus clair à écrire. Sa main tremblait, il dut quitter le bureau, se jeter dans un fauteuil, en disant à Blaise :

« Tiens ! mets-toi là, continue. »

Et Constance vit Blaise qui s’installait au bureau de son fils, qui prenait la place de son fils, trempant sa plume dans l’encrier, écrivant, comme elle avait vu si souvent Maurice écrire, du même geste. Ce Blaise, cet aîné des Froment ! Le pauvre mort n’était pas encore enseveli, et déjà un Froment le remplaçait, de même que les plantes vivaces, pullulantes, envahissent les champs déserts du voisinage. Elle sentit plus menaçant, tout ce flot de vie qui roulait autour d’elle, pour l’universelle