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du onzième, avec sa taille toute gonflée de vie prochaine, qu’elle apportait dans cette maison de mort. Elle la retrouvait toujours jeune, toujours fraîche, débordante de joie, de santé, d’espoir infini. Et, dans l’arrachement suprême quand elle-même perdait son unique enfant, l’autre était encore là, près de la couche funèbre, telle que la bonne déesse des moissons sans fin, au ventre ruisselant d’une éternelle fertilité.

« Puis, dit encore Marianne, en souriant à son tour, vous oubliez que je suis déjà grand-mère… Tenez ! voyez-moi ça ! Voilà qui me met à la retraite ! »

D’un geste elle montrait à Mme Angelin la bonne de sa fille Charlotte, qui, exécutant l’ordre reçu, apportait sur son bras la petite Berthe, à l’heure de la tétée, pour que Madame ne prît pas la peine de descendre. Cette fille, hésitant, n’osant entrer dans tout ce deuil, était restée à la porte du salon. Mais l’enfant joyeuse, amusée, agita ses menottes grasses, eut un léger rire. Et Charlotte, qui l’entendit, se hâta de se lever, de traverser le salon légèrement, pour l’emmener dans la salle voisine, où elle put lui donner le sein.

« Est-elle mignonne ! murmura Mme Angelin. C’est un bouquet, ces petits êtres. Ça met de la fraîcheur et de la clarté, partout où ça entre. »

Constance venait d’en avoir comme un éblouissement. Tout d’un coup, dans les demi-ténèbres, étoilées par les flammes des cierges, dans l’air mort, que l’odeur des roses coupées alourdissait, l’enfant rieuse avait mis une entrée de printemps, l’air frais et clair d’une longue promesse de vie. Et cela, c’était la victoire accrue des mères fécondes, c’était l’enfant de l’enfant, Marianne féconde encore dans la fécondité de son fils. Grand-mère déjà, elle en avait souri. Une beauté, une majesté de plus lui étaient venues, le fleuve coulé de ses flancs allait s’élargir sans fin. Et le coup de hache retentissait plus affreusement au