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échangèrent un regard. Et quel serrement de cœur, pour la mère, au milieu de cet appareil de mort, en face de son néant, que ce visage de tendresse, de santé, de beauté, qui se levait ainsi, comme un jeune astre rayonnant d’avenir, parmi l’or fin de sa chevelure !

Mais, à ce moment, Constance eut une autre douleur, des paroles basses, chuchotées dans le salon, à la porte même de la chambre, et qui lui parvenaient distinctement. Elle ne bougea pas, resta debout derrière Charlotte, qui s’était remise au travail. L’oreille tendue, elle écoutait, sans se montrer encore, bien qu’elle eût aperçu déjà Marianne et Mme Angelin, assises contre la porte, presque dans les plis de la tenture.

« Ah ! disait Mme Angelin, la pauvre mère avait comme un pressentiment. Je l’ai vue très inquiète, quand je lui ai confié ma triste histoire… Moi, c’est fini. Et la mort a passé, voilà que c’est aussi fini pour elle. »

Il y eut un silence. Puis, une relation dut se faire, elle reprit doucement, dans son besoin de parler :

« Vous, c’est pour le mois prochain, n’est-ce pas ?… Le onzième, et sans vos deux fausses couches, cela vous en ferait treize… Onze enfants, ce n’est pas un compte, vous irez bien au douzième. »

Elle oubliait le deuil voisin, un pâle sourire était monté à ses lèvres, comme si sa jalousie sourde se trouvait désarmée par une telle fécondité.

Mais, vivement, Marianne protestait.

« Oh ! cette fois, non ! je crois bien que le douzième restera en route. Songez donc que j’ai quarante et un ans. Il est temps que je m’arrête, mon rôle est rempli. C’est désormais à mes garçons et à mes filles, de faire des enfants. »

Et Constance frémit, soulevée par un accès de cette rage qui brûlait ses larmes. D’un regard oblique, elle pouvait la voir, cette mère de dix enfants vivants, enceinte