Page:Zola - Fécondité.djvu/482

Cette page n’a pas encore été corrigée


Ils l’embrassèrent, il leur faisait pitié, foudroyé ainsi, revenu de quelque noce, ivre peut-être encore, pour tomber au milieu de ce deuil affreux, frappé d’une stupeur où se mêlait la fatigue des vins bus, des caresses prolongées. Sa barbe, trempée de larmes, empoisonnait le cigare et le musc.

Puis, il serra dans ses bras les Angelin eux-mêmes, qu’il connaissait à peine.

« Ah ! mes pauvres amis, quel coup terrible, quel coup terrible ! »

Blaise vint, lui aussi, embrasser ses parents. Malgré l’horrible nuit passée, malgré son chagrin, il avait ses beaux yeux clairs, son frais visage de jeunesse. Des larmes, pourtant, roulaient encore sur ses joues, car il s’était pris pour Maurice d’une bonne amitié dans leur commun travail de chaque jour.

Le silence recommença. Morange, comme s’il était seul, sans paraître avoir conscience de ce qui se passait autour de lui, continuait à marcher doucement, d’un pas de somnambule. Beauchêne égaré, disparut, puis reparut, avec de petits registres. Il tourna un instant encore, finit par s’asseoir devant un bureau, qu’on avait sorti de la chambre de Maurice. Et, obsédé, si peu habitué au chagrin, qu’il avait l’instinctif besoin de s’étourdir, il se mit à fouiller les petits registres, des livres d’adresse, pour dresser la liste des invitations. Mais ses yeux se brouillaient, il appela d’un geste Blaise, qui, après être allé jeter un regard sur le dessin de sa femme, rentrait dans le salon. Le jeune homme vint se tenir debout près du bureau, dictant des noms à voix basse, et il y eut dès lors au milieu du grand silence, ce léger murmure, d’une régularité monotone.

Les minutes, lentement, s’écoulaient. Les visiteurs attendaient toujours Constance. Dans la chambre mortuaire, une petite porte de communication s’ouvrit avec