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devant le corps. Quand elle en revint, elle étouffait des sanglots sous son mouchoir, elle s’affaissa sur un fauteuil, entre Marianne et son mari, qui demeurait immobile, avec ses pauvres yeux fixes. Et le silence recommença, dans la maison morte, où ne montait plus le branle de l’usine, éteinte, déserte et glacée.

Enfin, Beauchêne parut, suivi de Blaise. Il semblait vieilli de dix ans, sous le coup de massue qu’il venait de recevoir. C’était, brusquement, comme si le ciel lui fût tombé sur la tête. Jamais, dans son égoïsme vainqueur, dans son orgueil d’homme fort, au milieu de ses plaisirs, il n’avait pensé qu’un pareil écroulement fût possible. Jamais il n’avait voulu voir Maurice malade, une telle idée étant une sorte d’attentat à sa propre santé, à sa certitude de n’avoir pu faire qu’un garçon solide, défiant toute catastrophe. Il se croyait au-dessus de la foudre, le malheur n’oserait pas. Et, dans le premier écrasement, il s’était trouvé d’une faiblesse de femme, la chair lasse, amolli déjà par sa vie d’inconduite, par la désorganisation lente de ses facultés. Il avait sangloté comme un enfant, devant son fils mort, toutes ses vanités brisées, tous ses calculs anéantis. La foudre avait passé, il n’y avait plus rien. D’une minute à l’autre, sa vie était balayée, le monde devenait noir et vide. Et il en restait blême, atterré, son gros visage boursouflé de chagrin, ses paupières lourdes meurtries de larmes.

Quand il aperçut les Froment, il fut repris d’une défaillance, il vint à eux, chancelant, les bras ouverts, suffoqué par de nouveaux sanglots.

« Ah ! mes pauvres amis, quel coup terrible ! Et je n’étais pas là ! Lorsque je suis rentré, il avait perdu connaissance, il ne m’a pas même reconnu… Est-ce possible ? Un garçon si bien portant ! Je crois que je rêve, qu’il va se lever et descendre avec moi dans les ateliers. »